Après la foudre

Brian Selznick
Éditions Scholastic
636 pages

Résumé:

Deux histoires – celle de Ben en mots, celle de Rose en images – alternent et se répondent comme par magie, puis finissent par se rejoindre. Brian Selznick nous entraîne dans un voyage passionnant, émouvant, merveilleux.

Ben et Rose aimeraient bien que leur vie soit différente. Ben vient de perdre sa mère. Rose rêve d'une mystérieuse actrice. Un jour, Ben découvre dans la chambre de sa mère un indice qui l'intrigue. Un jour, Rose lit dans la presse un article qui la fascine. Dès lors, chacun part en quête de son identité… à New York! Mais Ben vit en 1977, alors que Rose vit en 1927...

Mon commentaire:

Brian Selznick fait partie de ces écrivains et artistes qui sont un peu magiciens. Au même titre que Benjamin Lacombe ou Chris Van Allsburg. Ils peuvent plaire aux adultes comme aux enfants, on ne sait pas toujours à qui s'adresse leur travail et pourtant, ils gagnent à être découverts car leur travail est magnifique.

Brian Selznick est un magicien de la plume et du crayon. Après avoir créé le fabuleux Hugo Cabret (un merveilleux hommage à Georges Méliès), voici qu'il plonge dans un univers totalement différent mais tout aussi intéressant.

Après la foudre a été écrit à partir de deux idées qui ont été assemblées puis étoffées. Tout d'abord, celle concernant le passage à la technologie du son dans les cinémas. Si les personnes sourdes pouvaient profiter pleinement du cinéma muet, il en a été autrement lorsque le son a fait son apparition dans les salles obscures. Cette idée, mêlée à celle d'un jeune homme sourd, cherchant sa culture en dehors de sa propre famille qui elle est entendante, intriguait l'auteur, qui a alors créé l'histoire de Rose et parallèlement, celle de Ben. L'histoire de Rose est dessinée, alors que celle de Ben nous est racontée par le texte. Les deux destins finissent par se croiser et par mélanger aussi les deux narrations: celle des images et celle des mots.

L'auteur a ajouté à tout cela une étrange histoire de loup, celle d'un petit garçon qui cherche son père, d'une petite fille repoussée par sa mère, d'un accident créé par la foudre (d'où le titre), d'un musée intriguant où vont se réfugier deux petits garçons, d'un étrange cabinet des curiosités, d'une fillette qui construit des villes de papier, d'un mystérieux médaillon, des notes, d'un périple dans une grande ville et du cinéma, comme toujours chez Selznick.

Par moments, on se demande où nous amène l'auteur. Par moments je me questionnais à savoir où j'étais et ce qui arriverait au petit Ben et à Rose. On ne sait pas trop pourquoi on nous parle d'eux, on ne comprend pas comment ils pourront se rencontrer, puisqu'ils vivent dans deux époques différentes. Il n'y a pourtant aucun voyage dans le temps, mais des liens très forts qui unissent les deux. Puis, les morceaux se mettent en place. On comprend quelle route on emprunte. On comprend la tristesse qui accable Rose et Ben, pour des raisons similaires. On s'émerveille de voir le musée et de suivre Ben dans son apprentissage du langage des signes, puisque les deux personnages principaux sont sourds. J'ai été profondément émue par le destin de Daniel et son histoire avec la bibliothécaire. J'ai été touchée par l'amitié qui se développe entre Ben et Jamie et par la rencontre entre Ben et Rose...

Les illustrations sont, comme toujours chez Selznick, magnifiques. En noir et blanc, créées simplement au crayon. Il connaît l'art de raconter une histoire à travers les images. C'est d'ailleurs l'une de ses plus grandes forces. L'illustration ici ne sert pas qu'à compléter l'histoire, elle est l'histoire. Les mots racontent une histoire, les images en racontent une autre. Le cinéma, le ciel et les étoiles, les livres, les lieux de souvenirs tels les carnets, le papier, les musées, sont toujours très présents dans les livres de Brian Selznick. Le monde qui entoure les personnages a toujours une très grande importance. Les personnages ont souvent des familles atypiques ou sont orphelins. L'amitié est l'une des plus grandes richesses des romans de Selznick, qui lie les personnages les uns aux autres.

En fin de volume, on retrouve la reproduction d'un tableau récurrent à travers l'histoire, ainsi qu'une section "remerciements" de l'auteur, où il nous raconte le processus de création de son livre, ses recherches, ses questionnements, les gens qu'il a rencontré. Il sépare aussi le réel de la fiction. J'ai beaucoup d'intérêt pour ces écrivains qui prennent le temps de nous raconter leur démarche. Un très joli complément!

Après la foudre est un livre à découvrir. Brian Selznick est pour moi un collectionneur d'histoires. Il les invente, s'en inspire, les raconte, les dessine. Il fait rêver celui qui le lit, offre un moment de magie rare dont on a tous besoin. Si vous avez aimé Hugo Cabret, vous aimerez celui-ci. Différent, plus intime, l'auteur plonge dans la mémoire familiale et dans ce qui forge les êtres humains: ce à quoi nous appartenons. Notre famille. Nos amis. Nos racines. Une très belle lecture que je vous suggère fortement!

Une pensée récurrente dans le livre est celle d'Oscar Wilde (tirée de L'éventail de Lady Windermere):

"Nous sommes tous au fond du trou, mais certains regardent les étoiles."

Elle me plaît beaucoup et offre matière à méditer.

Quelques extraits:

"Un musée est une collection d'objets présentés avec le plus grand soin de manière à raconter une histoire extraordinaire." p.97

"Et, si une météorite n'était rien d'autre qu'une étoile filante, pouvait-on encore faire un voeu après sa chute?" p.345

"Il aurait aimé être avec sa mère, dans sa bibliothèque où tout était prévisible, numéroté et ordonné selon la classification décimale de Dewey. Il aurait aimé que le monde soit organisé selon la classification décimale de Dewey. Avec ce système, on pouvait trouver ce qu'on cherchait, le sens d'un rêve ou son père, par exemple." p.440

"Et Ben songea que, peut-être, chacun de nous était un cabinet de curiosités." p.575

En complément:

Une vidéo très intéressante où l'auteur nous parle de son livre. La vidéo est en anglais, mais sous-titrée en français.