Samuel Champagne
Éditions de Mortagne
315 pages
Résumé:
« Oh, la jolie petite fille ! » Je suis pas mal sûr que c’est ce qu’on a dit quand je suis né. On a regardé entre mes jambes et le sort en était jeté. Après, ça n’a plus arrêté. « Regarde ses beaux cheveux longs, comme ceux d’un ange », disait toujours mon grand-père. Et mon frère refusait que je reste dans sa chambre quand il était avec ses amis : « Tu ne peux pas jouer avec nous, je ne veux pas d’une petite sœur dans les pattes. » Puis j’entendais ma mère me complimenter : « Éloïse, regarde-toi, ma belle, tu as l’air d’une princesse dans cette robe.»
Éloïse. Je savais que c’était mon nom. Mais qui étaient la sœur, la belle, la poupée dont ils parlaient? Je ne me reconnaissais pas dans ces mots, je me sentais différent et je ne comprenais pas pourquoi. Quelque chose en moi avait mal. Les miroirs et le temps ont répondu à mes questions. J’ai vu un corps de fille. Et pourtant… Malgré mon corps féminin, je sais que ce n’est pas moi. Moi, je suis un garçon. Un gars, un homme, un ti-cul, un dude... Ou vous pouvez tout simplement m’appeler Éloi.
Mon commentaire:
L'identité de genre est un sujet qui me touche beaucoup. Pourquoi? Parce que même si je suis une fille, que je suis à l'aise avec mon corps, j'ai toujours eu l'impression de vivre en marge de ce que l'on attendait normalement des filles dans la société. C'était le cas petite, ça l'est toujours aujourd'hui. Ça m'a prit des années à accepter ça. Les différences, qu'elles soient personnelles, sociales ou identitaires me touchent donc beaucoup.
On vit dans une société où les identités de genre sont très très importantes. Je trouve même qu'elles le sont encore plus aujourd'hui que dans les années 80 où il y avait une "mode" unisexe beaucoup plus forte. Aujourd'hui, dès leur plus jeune âge, on catégorise garçons et filles dans des cases bien définies. Si on n'y entre pas, on en souffre. Et si en plus on naît avec l'impression de ne pas être dans le bon corps, comme c'est le cas d'Éloïse dans ce roman, ce doit être un véritable enfer que d'essayer de le faire comprendre à notre entourage.
Garçon manqué est un roman qui m'a prit aux tripes. Le sujet est peu courant déjà, et la façon dont il est traité est très émouvante. Tout le long de ma lecture, j'avais d'ailleurs une boule au ventre à regarder Éloi se débattre avec ses propres tourments, tourments qui sont incompris et souvent abordés de façon réductrice par son entourage. "Ça va lui passer". Quelle belle façon de régler un problème!
La souffrance d'Éloi est très grande. Heureusement, malgré ses peurs, ses craintes vis à vis des autres, il trouve des alliés chez deux amis, Pascal et Dominique. Son frère Joël, même s'il ne comprend pas tout, est aussi un allié de taille avec deux parents qui ont le sentiment de perdre leur fille et qui prennent la souffrance d'Éloi pour des caprices.
Garçon manqué n'est pas un roman facile. La souffrance est très présente, quotidiennement. Même quand Éloi commence à changer, que son corps se développe en celui d'un garçon, la souffrance est toujours là, au fond, quelque part, et les questionnements aussi. Il y a la violence et l'incompréhension vécue au quotidien, les difficultés liées à l'administratif (les cartes d'identité, les toilettes à utiliser, garçon ou fille?) et la peur. Celle d'être incompris. Celle d'être violenté. Et celle, tapie au fond du ventre, de ne pas être aimé. Comme le dit Éloi:
"Surtout quand je me demande qui va bien vouloir de moi, comme ça... avec des morceaux manquants et des morceaux en trop." p.241
Heureusement, des gens ouverts il y en a. Plus on parlera de ces sujets, des différences, plus les gens s'ouvriront l'esprit, du moins je le souhaite. Vivre avec l'impression d'être toujours dans une classe à part, c'est difficile. De là, l'intérêt d'un roman comme celui-là.
Je remercie l'auteur pour ce second livre. Déjà, il écrit bien. C'est toujours un plaisir de le lire. Son premier roman Recrue abordait l'homosexualité d'une façon rarement vue en littérature jeunesse, en misant sur les sentiments et l'amour de deux garçons qui s'aiment sincèrement. Garçon manqué aborde un thème totalement absent de la littérature jeunesse et on a besoin d'auteurs qui abordent ces thèmes dont on parle si peu. C'est un livre essentiel, pour enfin faire comprendre aux gens ce qu'est la transsexualité et outiller les jeunes qui se sentent complètement à côté de la plaque. Mettre des mots sur un ressenti, des émotions, une façon de se percevoir, c'est se donner la chance d'avancer. Et peut-être ouvrir un peu les gens à la différence, donner des outils aux parents qui ne comprennent pas ce que vivent leurs enfants.
Un roman jeunesse essentiel qui trouve tout naturellement sa place dans cette collection dédiée aux jeunes et à des sujets dont on se doit de parler comme société.
Un extrait:
"Il y a quelqu'un à l'intérieur et je dois le pousser, l'écraser. Je dois lui mettre une enclume dessus en espérant qu'il meure d'asphyxie. Après, ça va bien aller. C'est vraiment dur d'être normale quand il y a quelqu'un d'autre qui t'embête sous ta propre peau." p.46
Date de dernière mise à jour : 2014-03-19
1. Par geneviev le 2014-03-21
@Suzanne: oui c'est à découvrir. Surtout que c'est si rare en littérature jeunesse (voire inexistant!) ...
2. Par geneviev le 2014-03-21
@Keisha: oui j'ai lu son billet. Elle a moins aimé mais ses jeunes étaient aussi enthousiastes que moi! ...
3. Par Suzanne le 2014-03-20
À découvrir donc! je note avec intérêt. merci Geneviève de tes belles suggestions.
4. Par keisha le 2014-03-20
Karine:) en a parlé, elle a l'air moins conquise par cet album (utile, cependant...)
5. Par geneviev le 2014-03-16
@amiedeplume: dommage! Ça m'avait plu!
6. Par geneviev le 2014-03-16
@amiedeplume: tout à fait d'accord!
7. Par geneviev le 2014-03-16
@amiedeplume: disons que le sujet principal va au-delà des livres et du théâtre. On aime ou on aime ...
8. Par amiedeplume le 2014-03-15
Un livre qui me tentait bien, mais sur lequel j'ai pas trop accroché...