221b Baker Street

Graham Moore
Éditions Cherche midi
451 pages

Résumé:

Octobre 1900, Londres. Après avoir reçu un étrange courrier, Conan Doyle se retrouve mêléà la disparition de plusieurs jeunes filles dans les bas-fonds de la ville. Sur les traces d'un tueur en série, il demande l'assistance d'un de ses amis, l'écrivain Bram Stoker, auteur de Dracula.

Janvier 2009, New York. C'est un grand jour pour Harold White : son article mettant en parallèle les exploits de Sherlock Holmes et la naissance de la médecine légale lui vaut d'être intronisé dans la prestigieuse association des « Baker Street Irregulars ». C'est aussi un grand jour pour ladite association : Alex Cale, l'un de ses membres les plus renommés, vient de retrouver le « Saint-Graal » des fanatiques de Conan Doyle, le fameux tome perdu du journal intime de l'écrivain, couvrant les mois d'octobre à décembre 1900. C'est en effet à cette époque que Conan Doyle, après avoir fait mourir Sherlock Holmes sept ans plus tôt au grand dam de ses admirateurs, a décidé, pour une raison demeurée inconnue, de faire revivre le célèbre détective. Mais Alex Cale est assassiné avant d'avoir pu dévoiler le contenu du fameux journal et Harold, inspiré par l'art de la déduction de son illustre modèle, se lance sur la piste du meurtrier.

Mon commentaire:

J'ai adoré ce roman à deux voix, autour du thème du journal perdu d'Arthur Conan Doyle. Déjà, le titre (l'adresse mysthique de Sherlock Holmes) et la couverture (la fameuse pipe callebasse) ont tout pour m'attirer. Le résumé ne fait que titiller ma curiosité. Je voulais aimer ce roman avant même de le lire et l'auteur ne m'a pas déçue.

L'histoire alterne donc entre deux voix. D'abord celle de Sir Arthur Conan Doyle, en 1893, qui est à un tournant de sa vie. Il n'en peut plus de Sherlock Holmes, ce personnage qui prend beaucoup trop de place à son goût et qui va même jusqu'à éclipser le travail dit "sérieux" que Conan Doyle tente de faire connaître. Il décide donc de le tuer. Parallèlement, il est victime d'une bombe qui détruit une partie de son bureau et comme Scotland Yard ne fait rien, Conan Doyle décide d'enquêter lui-même. Il met à jour une série de crimes atroces commis contre des jeunes femmes. Avec l'aide de son bon ami Bram Stoker, il enquête pour en savoir un peu plus...

La seconde voix est celle d'Harold White, un sherlockien convaincu qui ne sort jamais sans son deerstalker, la fameuse casquette à deux visières. Grand fan du fameux détective, Harold vient d'être intronisé au sein de la prestigieuse association Baker Street Irregulars, une société holmésienne très privée, accessible sur invitation uniquement. Alors qu'Alex Cale, un membre éminent de la société, vient d'annoncer qu'il a découvert le journal perdu d'Arthur Conan Doyle, il est retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel. C'est l'occasion pour Harold de mettre en pratique tout ce qu'il a lu dans les Aventures de Sherlock Holmes.

Je pense que cette façon particulière de présenter l'histoire, en alternant entre deux époques et deux personnages distincts, est ce qui fait la grande force de ce roman. En plus, le roman a le grand avantage de rassasier les admirateurs de Sherlock Holmes, dont je suis, en faisant revivre Conan Doyle et en nous amenant dans un cercle fermé d'Holmésiens passionnés. On y retrouve toutes sortes de fans, qui parlent de l'oeuvre de Conan Doyle et la critique, font des allusions au canon et nous sommes aussi témoins de toutes leurs petites manies. C'est très amusant à lire.

Du côté de Conan Doyle, j'ai apprécié de le voir plus vrai que nature dans un roman. Nous assistons à la mort de son personnage qu'il n'a plus de scrupules à faire disparaître tellement il ne peut plus le supporter. On n'aborde pas vraiment sa fascination pour le spiritisme, mais puisqu'on le suit à travers une enquête policière, on retrouve un peu en lui l'ardent défenseur de la justice que Conan Doyle pouvait être, alors qu'il a mené véritablement deux enquêtes sur des injustices de son époque. Son amitié avec Bram Stoker m'a beaucoup intéressée et j'aimerais éventuellement creuser un peu plus le sujet (à travers une biographie ou des lettres).

Tout au long du roman, il y a de nombreux clins d'oeil à l'oeuvre de Conan Doyle. Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est que les deux parties et les deux époques se répondent au fil de l'histoire. Alors qu'Harold, aidé d'une journaliste du nom de Sarah, part sur les traces du meurtrier d'Alex Cale, on retrouve sensiblement le même schéma 117 ans plus tôt en suivant Conan Doyle et Bram Stoker sur les traces du criminel qui assassine les jeunes femmes. On peut aussi s'amuser à y voir des liens avec le duo Sherlock Holmes et John Watson que reproduisent à leur façon Harold et Sarah ainsi que Conan Doyle et Stoker.

Au niveau des deux intrigues, je trouve qu'elles sont assez bien ficelées et intéressantes pour conserver l'intérêt tout au long de la lecture. Il y a plusieurs rebondissements inattendus autant du côté d'Harold que de celui de Conan Doyle. Chaque chapitre du roman débute également par un extrait ou une citation issue du canon, ou de textes personnels de Conan Doyle. C'est un avant-goût de ce qui va suivre, tout en rendant un bel hommage aux aventures de Sherlock Holmes.

J'ai personnellement passé de très belles heures de lecture avec 221b Baker Street. C'est un roman plutôt réjouissant pour les passionnés de Sherlock Holmes où, outre Conan Doyle et Bram Stoker, plane l'ombre d'Oscar Wilde, où l'on visite le musée de Meiringen et qui nous conduit également à Undershaw. Pour les non inités, Undershaw est la résidence de Conan Doyle au centre d'une controverse depuis quelque temps, puisque de nombreuses personnalités et sherlockiens se battent pour qu'elle acquiert un statut historique protégé. On peut visiter le site officiel de la campagne pour la préservation du bâtiment à The Undershaw Preservation Trust.

En fin de volume, Graham Moore tente de démêler le vrai de la fiction dans son roman. Des papiers d'Arthur Conan Doyle ont effectivement disparus à la fin de sa vie. Et un holmésien, Richard Lancelyn Green, fut retrouvé mort dans son appartement, après avoir annoncé sa découverte des documents de Conan Doyle. Ce roman s'inspire donc de faits réels, mêlé à une large part de fiction.

221b Baker Street est une lecture que je vous conseille donc, si vous vous intéressez à l'univers holmésien, à Arthur Conan Doyle et aux enquêtes policières.

Quelques extraits:

"Pour l'esprit humain, il y a peu de choses aussi jouissives que la possibilité d'établir des liens. De faire une découverte. De résoudre un problème." p.69

"Harold fréquentait les mêmes cercles que votre frère, observa Sarah. Nous pensons qu'il pourrait avoir un certain point de vue sur le responsable dont la police ne dispose pas.
-Vous êtes détective privé?
-Non, pas exactement.
-Que faites-vous exactement dans ce cas?
-Je suis lecteur." p.126