Révélation brutale

Louise Penny
Éditions Flammarion Québec
476 pages

Résumé:

L’été s’achève et la nature réserve aux habitants de Three Pines un dernier éclat… terrifiant. Un mort est découvert dans l’endroit le plus vivant du village : le bistro d’Olivier. De prime abord, personne n’admet connaître le vieil ermite assassiné. Armand Gamache et son équipe reviennent dans les Cantons-de-l’Est pour sonder les strates de mensonges et de non-dits que dissimule le vernis idyllique des lieux. Des sentiers oubliés les conduisent au fond des bois, là où se cachent des secrets et des trésors honteux. Le chaos s’est infiltré dans cette beauté sauvage et ce qui attend l’inspecteur-chef n’est rien de moins qu’une révélation brutale.

Mon commentaire:

Je viens de tourner la dernière page de la cinquième enquête de l'inspecteur chef Armand Gamache. J'espère être en mesure de rendre dans ce billet toutes les émotions que j'ai pu ressentir pendant ma lecture.

Tout d'abord, je suis une admiratrice inconditionnelle de ce que fait Louise Penny. Ses romans sont certes des romans policiers, mais ils sont beaucoup plus que cela. Ce sont des livres auxquels je tiens, qu'il m'arrive de relire ou de choisir au hasard sur la tablette de ma bibliothèque et d'en lire à voix haute des extraits. Ce sont des enquêtes policières, mais aussi une analyse pointue de l'âme humaine. Ils sont aussi gorgés d'informations diverses sur l'art, la littérature, des citations, la culture. Des livres pareils, on ne s'en lasse pas. Surtout quand ils se déroulent dans un lieu aussi idyllique que Three Pines. On recherche tous un lieu comme ça, retiré, à l'écart, où la nature, les tasses de thé, les repas entre amis, la littérature et l'art sont l'essence même de la vie.

J'ai commencé cette cinquième enquête de l'inspecteur Gamache sans pouvoir m'arrêter. J'ai ris énormément, j'ai eu la l'arme à l'œil à quelques reprises. J'ai finalement tourné la dernière page le cœur serré. Il y avait longtemps que je n'avais pas connu ça. Je crois même que ce cinquième tome est le meilleur de l'auteur. Il m'a troublée, énormément, à cause de tout ce qu'il sous-entend, de tout ce qui se tapit dans l'ombre et qui m'a touchée, profondément.

J'ai toujours aimé énormément le personnage d'Olivier dans les romans de Louise Penny. Après Gamache, je crois que c'est mon personnage préféré. Il est ici au cœur de l'histoire. J'ai appris à mieux le connaître, à comprendre pourquoi il était celui qu'il est, à connaître son passé, les raisons qui l'ont poussé à se rendre à Three Pines et sa rencontre avec Gabri. Les petits gestes entre eux et les propos de Gabri sur Olivier m'ont beaucoup touchée. Maintenant que j'ai tourné la dernière page de cette enquête, je me demande vraiment comment l'évolution des personnages sera abordée dans le prochain livre. J'en ai presque le cœur gros.

L'histoire de ce roman est plutôt complexe et mêle de nombreux personnages, tout en étant plutôt inquiétante. Trop de personnes mentent dans cette affaire, y compris Olivier, et l'enquête piétine. Un nouveau venu arrive aussi dans l'équipe, le jeune sergent Morin. S'il a l'air d'un gamin échaudé, il fait preuve de beaucoup de courage. Gamache le prend sous son aile. Il aime bien sauver les éclopés de la vie. Ou à tout le moins, essayer. Il l'a fait pour son adjoint Beauvoir et pour Isabelle Lacoste, la charmante policière.

Cette fois, Gamache devra jouer sur deux plans: l'enquêteur qui doit faire son travail, et l'ami des gens de Three Pines. Les deux rôles ne sont pas évidents à endosser, surtout quand plusieurs personnes sont suspectées. C'est le grand défi de cette enquête. Percer à jour le village, qui forme un monde fermé, un tout. Il y a ceux qui sont à l'intérieur et ceux qui sont à l'extérieur. Et il y a l'ermite, qui vivait dans une cabane, à la manière de Walden. Il y a énormément de références à cette oeuvre de Thoreau, dans les pensées des personnages, dans la façon dont vivait l'ermite, dans les citations qui nous sont présentées.

L'art est très présent, de même que la littérature. On aborde le thème des oeuvres d'art volées pendant la guerre, les collectionneurs, de même que la mise en place d'une exposition et le travail de galériste par l'entremise de Clara Morrow qui se prépare à exposer ses toiles. Elle est cependant titillée entre son désir d'être reconnue pour son travail et ses valeurs personnelles.

Le voyage que fait Gamache chez les Haïdas, un peuple amérindien présent sur la côte Ouest canadienne, est vraiment très intéressant. L'auteur aborde leur culture, les conflits qui les ont opposés aux entrepreneurs forestiers, leurs croyances. Ces chapitres sont instructifs et fascinants. J'ai d'ailleurs découvert la vie et l'oeuvre de l'artiste canadienne Emily Carr que je ne connaissais pas du tout. J'ai eu envie de me renseigner sur elle et sur son oeuvre. C'est une artiste vraiment intéressante, un sujet à creuser pour moi.

Il y a aussi un très beau passage sur la musique dans ce livre, au chapitre 23, plus particulièrement sur le violon. Puisque c'est mon instrument de prédilection, j'ai été tout à fait émue par la scène où le jeune Morin joue du violon sur la demande de Gamache. Il fait d'abord la lecture d'une pièce qu'il ne connaît pas, avant de lui jouer Colm Quigley, un air folklorique aux accents celtiques. Si vous voulez une idée de la musique jouée lors de cette scène, voici une vidéo à écouter (il y a peu d'images). Il s'agit de la pièce Colm Quigley, interprétée par le groupe canadien Leahy.

Finalement, Gamache doit faire appel à un specialiste des codes secrets pour son enquêtes et toutes ses démarches sur le sujet, ses conversations avec l'homme qui lui donne un coup de main, les informations concernant le chiffre de César par exemple, la cryptographie et le chiffrement par décalage sont passionnantes.

Cette cinquième enquête m'a aussi beaucoup plu à cause de son humour. Comme d'habitude, Louise Penny excelle dans les dialogue, mais je me suis étouffée de rire à plusieurs reprises pendant ma lecture, principalement à cause du personnage de Ruth Zardo. Est-ce possible d'être aussi... je n'ai même pas de mots pour la décrire! La scène où elle reçoit tout le monde à souper est surréaliste. Elle me fait pouffer de rire avec sa mauvaise humeur, son canard qui la suit partout et ses répliques franches et cinglantes à tous ceux qui l'entoure. Répliques qui surgissent quand on s'y attend le moins!

Un petit mot sur la traduction. Depuis le début, c'est Michel Saint-Germain qui traduit les romans de Louise Penny, mais pas cette fois. Le travail est celui de Claire et Louise Chabalier et je trouve que la traduction est tout aussi impeccable. Le travail de rendre vivant un livre, du passage d'une langue à une autre n'est pas toujours facile et ça mérite d'être souligné.

Révélation brutale porte bien son titre. Et pour la première fois, les révélations qui seront faites ébranleront véritablement le petit village de Three Pines...

À lire. Pour les fabuleux passages. Pour l'émotion. Pour le personnage d'Olivier. Pour l'art et la littérature. Pour l'analyse de l'âme humaine. Et parce que c'est Three Pines. Probablement mon enquête préféré de l'inspecteur Gamache à ce jour.

Quelques extraits:

"L'inspecteur-chef l'avait mis en garde: on ne voit pas ce qui tue, d'où le danger. Ce n'est ni un revolver, ni un couteau, ni un poing. C'est une émotion. Rance et putride. Attendant l'occasion de frapper." p.25

"Si cet homme avait craint la fin du monde, il ne s'était pas enfui suffisamment loin, ne s'était pas suffisamment enfoncé dans la forêt sauvage canadienne. Et la fin du monde l'avait trouvé." p.119

"Mais, aussi bizarre que pouvait être sa famille, ce n'était rien en comparaison de celle-ci. En fait, c'était un des grands réconforts que lui procurait son travail: au moins, sa famille paraissait plutôt bien quand on la comparait avec des gens qui s'entretuaient vraiment, au lieu de seulement y penser." p.199