Cétacia t.1: Le fils de la baleine

Cétacia: le fils de la baleineMel Gosselin
Éditions L'Avantage
183 pages

Résumé:

États-Unis, 1881. D’origine canadienne-française, Mathias et Stanislas Demers, des jumeaux identiques, ont dû, comme bon nombre de leurs compatriotes, émigrer avec leur père vers la Nouvelle-Angleterre afin d’échapper au chômage qui sévissait dans leur région natale. Exploités par la bourgeoisie américaine, ces nouveaux arrivants découvrent la cadence infernale du travail dans les filatures ainsi que les horribles conditions de vie des ouvriers. Un jour, lors d’une foire estivale, les jumeaux font la connaissance d’Herman Melville, l’auteur de Moby Dick. Ancien marin ayant parcouru les Sept mers, il est persuadé que tous les cétacés, du dauphin au cachalot, seraient des créatures aussi intelligentes que les êtres humains, issues d'une société parallèle à la nôtre appelée Cétacia. La mission de la Grande Baleine Bleue, reine de ce royaume sous-marin, aurait été de procréer avec un humain afin de donner naissance à un Messie, seul capable de délivrer son peuple. À une époque où simplement survivre constitue un défi, l’espoir que suscite chez les frères Demers la mythique Cétacia leur permettra-t-il de traverser les nombreuses difficultés qui jalonnent leur existence ?

Mon commentaire:

J'ai bien aimé la lecture de ce roman atypique. Même s'il est très court, l'auteur réussit à créer un univers particulier. Elle dédie d'ailleurs son roman à la mémoire des enfants ouvriers, ces canadiens qui ont fuit vers un monde supposément meilleur: les États-Unis.

Ce premier tome raconte la vie de deux frères jumeaux, Stanislas et Mathias, qui ont quitté le Québec avec leur père. Ce dernier est très différent des autres parents de son époque. C'est un homme libre. Il aspire à une vie meilleure que la sienne pour ses enfants et ne souhaite pas les forcer à travailler comme des bêtes. Leur permettre de vivre leur enfance est pour lui sa priorité. Sauf qu'il tombe bientôt malade de la tuberculose et qu'il est alité à l'hôpital. Les jumeaux doivent se prendre en main. Mathias travaillera pendant que Stanislas ira à l'école. La rencontre avec Herman Melville rendra la vie quotidienne des jumeaux plus supportable. Du moins pendant un certain temps...

Le roman est intéressant sur plusieurs points. Il nous plonge dans une époque fascinante, mais terriblement difficile pour les canadiens-français exilés aux États-Unis: la vie dans les manufactures, dirigées bien souvent par des patrons exploiteurs. La vie y est un enfer et les jumeaux, qui ont un caractère bien trempé, goûtent à la médecine d'un contremaître particulièrement mauvais. Les jumeaux sont très différents. Stanislas est l'intellectuel, attiré par l'école et les études. C'est un jeune homme particulièrement brillant. Mathias est bagarreur et rêve de devenir le prochain Louis Cyr. Il détonne dans son univers mené par la religion et par les conventions. Les jumeaux ont perdu leur mère à la naissance et un halo de mystère entoure la femme dont le père ne parle jamais.

Je trouve intéressante la rencontre de Stanislas avec Herman Melville. J'aime toujours quand des auteurs donnent vie à des écrivains dans leur roman. Ici, Melville a une grande importance dans la suite de l'histoire car c'est le récit sur Cétacia qu'il montrera à Stanislas qui guidera la suite des aventures des jumeaux. On sent à travers l'enthousiasme de Stanislas, toute la passion que l'auteur porte aux écrivains. Les gens passionnés me parlent beaucoup!  

Ce premier livre met en place les personnages et la légende entourant le monde de Cétacia. C'est aussi l'occasion pour l'auteur de mêler plusieurs facettes de l'histoire et de la littérature, en la couplant à différentes légendes. L'histoire y est très présente et c'est fascinant de voir les jumeaux évoluer dans cette période industrielle, cruelle et difficile. Toute la violence entre les différents peuples, les différences entre les classes, la bataille quotidienne pour la survie est parfaitement bien amenée à travers les épreuves que doivent affronter Stanislas et Mathias.

Plusieurs passages sont difficiles dans ce roman multigénérationnel. Si les personnages principaux sont de jeunes garçons, certains passages peuvent choquer les âmes sensibles. À conseiller, donc, à partir de 16 ans.

Un petit bémol. Si j'ai bien aimé l'atmosphère et l'univers du roman, je trouve les dialogues parfois un peu boiteux. Ils sont empesés et servent souvent à passer de l'information historique. Tout de même, à découvrir pour l'atmosphère bien originale de ce roman atypique.

Quelques extraits:

"Le sang de ces orphelins coulent dans les veines de millions d'Américains
Aucunement conscients qu'ils en sont les fiers descendant
Ils n'entendront jamais le chant du Saint-Laurent
Murmurant faiblement en eux
La genèse de leurs aïeux"
(tiré de la splendide dédicace en début de volume)

"Je vous ai suffisamment côtoyés pour me rendre compte que vous êtes tous les mêmes. Un peuple ingrat, hypocrite, bête et abruti, qui n'est qu'une erreur de parcours et qui n'aurait jamais dû exister. D'ici quelques décennies, vos descendants oublieront tout de vous. Ils seront des citoyens américains qui se seront mélangés à la masse et le monde continuera de tourner. Vois comme tu appartiens à un peuple insignifiant et sans intérêt! Tous les efforts que vous faites pour survivre ne sont que des illusions! À quoi sert de continuer votre lutte quand vous savez qu'elle est perdue d'avance? Tout le monde vous hait, à part, bien sûr, ceux qui font de l'argent sur votre dos." p.121

En complément:

Il existe une page Facebook autour du livre, où l'on peut voir des photos racontant l'histoire d'enfants ouvriers des images issues de cosplay autour des personnages et des séances de signature.

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Date de dernière mise à jour : 2013-01-12