Jonathan Gaudet
Éditions Hurtubise
344 pages
Résumé:
C’est le temps des foins. Le soleil plombe. Le garçon conduit le tracteur. Sur le wagon, le père empile les balles régurgitées par la presse. La mère les rejoint, portant la citerne d’eau et le sac à lunch. Les crachotements du moteur s’interrompent. Les roues glissent dans la boue. L’eau monte.
Mon commentaire:
La dérive des jours est un étrange roman, un roman-catastrophe qui raconte avec des phrases courtes et un rythme haché, la terrible expérience d'une famille de fermiers, le jour où l'eau s'est soudain mise à monter.
Le père et le fils sont au champs. La fille garde les enfants des voisins en attendant le retour des parents pour aller aider sa famille pour les foins. La mère traverse le champs, eau et nourriture à la main, pour offrir une pause à ses hommes. Dernier moment quotidien, routinier, avant la montée de l'eau. Instant futile. Instant de répit avant la catastrophe. On sent que les choses sont sur le point de déraper. On sent que la menace plane. C'est tout l'art de Jonathan Gaudet que de nous faire ressentir ce que la famille est sur le point de perdre, de nous faire réaliser que bientôt, plus rien ne sera comme avant. C'est d'ailleurs dans les dernières pages, dans les mouvements qui se veulent normaux et quotidiens, qu'on mesure toute la difficulté pour ceux qui restent de réussir à vivre normalement.
Au champs, il fait chaud. Trop chaud. Il n'y a pas l'ombre d'un nuage en vue. Il n'a pas plus depuis des jours. Pourtant, le tracteur s'enlise. Le champs devient boueux. Quand l'eau monte inexplicablement, la famille trouve refuge dans un arbre. Un arbre qui deviendra une sorte d'arche, qui permet de survivre, mais pour combien de temps? Dans l'arbre, point de nourriture ou d'eau potable. Pas d'intimité ou de protection. Le temps qui passe affaibli les corps et les esprits. L'arbre, perçu comme un sauveur, deviendra aussi, au fil du temps, un tombeau...
La menace est extérieure, l'eau, les poissons, la mort, la sécheresse, la soif. Mais elle est aussi intérieure. La marge est mince entre la raison et la folie quand justement, ce qui se passe autour de soi est un non-sens. Les enfants grandiront trop vite pendant ces quelques jours. Les événements les obligeront à s'occuper de choses qui ne sont pas de leur âge. Le monde devient difficile et cruel lorsque les repères quotidiens s'estompent.
Les causes de cette étrange inondation ne seront jamais vraiment connues et ce n'est pas l'objet du roman, pas vraiment. On suit plutôt la famille qui assiste avec consternation à la montée de l'eau dans le champs, au tracteur qui s'enlise, à la difficulté d'aller plus loin, de marcher même. À l'urgence face à la perturbation des éléments qu'on ne comprend pas et au réflexe de survie qui prend rapidement le dessus sur tout le reste. L'espoir aussi. Qui transpire par tous les pores de peau du père qui s'accroche follement à lui pour ne pas tomber. Aux causes qu'on essaie de comprendre. À la vie à laquelle on tente de se raccrocher.
L'écriture de Jonathan Gaudet est particulière. Les moindres gestes semblent vus au travers d'une loupe. Tous les petits détails sont racontés dans un texte incisif, haché, dont chaque phrase sonne comme une fin en soi. Un roman singulier, dont l'écriture sied parfaitement au thème et à cette impression de fin du monde qui enveloppe chaque chapitre de ce roman.
Quelques extraits:
"Le corps courbé en avant dans une étrange position de recueillement, le père observe attentivement ses bottes.
-On dirait que l'eau monte." p.41
"La solitude n'existe pas dans l'érable. L'intimité se partage. Aucune retraite possible." P.90
"La nuit sort de l'eau, escalade le tronc rugueux de l'érable et s'assoit avec eux sur une branche." P149
"La fatigue, bien entendu. Après quatre-vingt-seize heures suspendu aux branches d'un arbre, le corps ne réagit plus de la même façon. Il souffre d'un mal inédit: l'immobilisme. De nouveaux muscles sont découverts. La fatigue distord les autres sensations. Ligaments étirés, disques intervertébraux écrasés et épiderme à vif, la réalité passe par le filtre de la douleur." P.235
1. Milly (site web) 2013-11-10
Ouf! tout un portrait de l'endurance et ses limites! Ça doit être une lecture lourde, si l'écriture rend bien le ressenti des personnages..
2. geneviev (site web) 2013-11-10
@Milly: non ce n'est pas lourd. Je crois que c'est beaucoup le style qui veut que le texte avance vite et c'est tellement intriguant!
1. Par geneviev le 2013-11-15
@Grominou: Je verrai bien avec celui de Jérusalem! :)
2. Par geneviev le 2013-11-15
@Maggie: j'avoue pour ma part que j'aime bien les clins d'oeil d'autres auteurs sur des romans que j'aime. ...
3. Par Grominou le 2013-11-14
Je viens justement de terminer celui sur Jerusalem, que j'ai bien aimé mais je crois que j'avais préféré ...
4. Par maggie le 2013-11-11
J'adore le personnage de Sherlock mais j'avoue ne pas être attirée par toutes ces séries dérivées...
5. Par geneviev le 2013-11-10
@Milly: non ce n'est pas lourd. Je crois que c'est beaucoup le style qui veut que le texte avance vite ...
6. Par Milly le 2013-11-10
Ouf! tout un portrait de l'endurance et ses limites! Ça doit être une lecture lourde, si l'écriture rend ...
7. Par geneviev le 2013-11-10
@Topinambulle: Sampar illustre beaucoup pour la jeunesse. J'adore son coup de crayon alors j'étais ravie ...
8. Par Topinambulle le 2013-11-10
Intéressant ! Je ne connaissais pas cet illustrateur. J'aime beaucoup l'idée d'une bande-annonce animée ...