Le maire de Casterbridge

Le maire de CasterbridgeThomas Hardy
Éditions Folio Gallimard
465 pages

Résumé:

Sous le coup de l'ivresse, Michael Henchard a vendu sa femme à un marin. Plus tard il s'amende, renonce à l'alcool, devient riche et respecté, le maire de son village. Après dix-huit années la femme revient, avec une fille. Mais la fatalité l'emporte. Henchard va tout perdre, sa femme, celle qu'il croit sa fille, sa fortune. Il retombe dans son vice et meurt désespéré.

Mon commentaire:

Le maire de Casterbridge n'est pas le roman le plus connu de Thomas Hardy, mais pourtant, il est souvent considéré comme son chef-d'œuvre. Ce roman a été publié en 1886 et était sous-titré La vie et la mort d'un homme de caractère. Hardy s'inspire de la ville de Dorchester, dans le Dorset, pour créer la campagne rustique de Casterbridge.

L'histoire s'ouvre sur une scène presque bucolique. Un homme, sa femme et son enfant marchent sur une route de campagne. Rapidement on réalise que la scène n'est pas si belle. L'homme se préoccupe assez peu de sa famille. Marié à dix-huit ans, il regrette sa position de père de famille, d'autant plus que sa situation n'est pas très avantageuse. Il cherche du travail et a deux bouches à nourrir à part la sienne.

Alors qu'ils arrivent dans un marché, Henchard boit tant et tant qu'il perd la tête et fait une offre totalement horrifiante: il échange sa femme et sa fille contre une poignée de pièces. Cette scène marquante et difficile prête à toutes les interprétations possibles sur le démon que peut être l'alcool dans le corps d'un homme désespéré. Après avoir cuvé son vin, Henchard part à la recherche de sa famille, jusqu'à ce qu'il apprenne qu'ils se sont embarqués pour l'Amérique. Il se fait une promesse: celle de ne plus boire pour au moins les vingt prochaines années, soit une année pour chacune de celles qu'il a vécu sur cette terre.

Le commerce du blé a une grande importance dans l'histoire. Toute la vie du village tourne autour de l'offre et de la demande, des récoltes. Henchard devient rapidement un prospère marchand, maire du village et bien en vue dans la région. Jusqu'au retour de celle qui fut, il y a longtemps, sa femme...

Henchard est puissant. Il a une situation enviable. Il recueille sous son toit sa femme vendue il y a des années et celle qu'il croit être sa fille. Il s'apprêtait à épouser une autre femme, mais qu'à cela ne tienne. Il tente de se racheter avec celle qui est toujours, légalement, son épouse. Il rencontre également un jeune homme, Farfrae, féru d'aventure, qui ne devait passer qu'en coup de vent à Casterbridge. Henchard est animé d'une grande amitié pour lui et en fait son assistant, sans se douter qu'il vient de faire entrer sous son toit celui qui le mènera à la ruine.

Le maire de Casterbridge est le roman de toute une vie de prospérité et de misères, mais surtout de secrets envenimés par les mensonges. Ceux-ci prennent des proportions gigantesques, le passé survient quand on s'y attend le moins et tous les personnages de Thomas Hardy doivent combattre leurs démons intérieurs. Les relations entre les personnages se croisent et s'entrecroisent au fil du temps. La vie de village alimente les ragots et peut même détruire la vie et la réputation des uns et des autres. Il suffit de penser à la procession de la skimmity-ride, une vieille coutume aujourd'hui abolie, où des mannequins à l'effigie d'hommes et de femmes au centre d'un scandale marital, sont promenés dans la ville pour susciter la honte.

Plusieurs questions morales sont abordées dans ce roman paysan, qui dépeint la vie d'un village rustique de la campagne anglaise. Henchard est un homme souvent animé de mauvaises pensées. Il a du mal à faire face à la vérité et s'enlise rapidement dans ses mensonges. C'est aussi un homme rigide et aux idées bien arrêtées. Ses relations avec les autres sont souvent difficiles.

Les personnages, même quand ils tentent de s'amender et de devenir de meilleures personnes, ont toujours une ombre qui plane au-dessus deux. Ils sont sans cesse tiraillés par ce qui ne se fait pas. Ils rechutent, retombent et finissent bien souvent dans la déchéance. Son portrait de Casterbridge n'est pas des plus roses. Le travail y est dur. La vie compte peu de plaisir. La taverne du coin fait office de petit bonheur après le travail. On critique tout et chacun. Les ragots sont colportés à la vitesse de la lumière. Les lieux sont gris, ternes. Nous sommes loin d'une campagne bucolique et bourgeoise, même si certains hommes hauts placés de Casterbridge ont fait fortune.

Thomas Hardy n'écrit pas de romans joyeux et lumineux. Je me demande quel genre d'homme il pouvait être, pour sonder de cette façon les sombres motivations des hommes. J'aime énormément Hardy. C'est un auteur qui me semble assez peu lu aujourd'hui et c'est tellement dommage car on gagne à le découvrir. Avec son roman Le maire de Casterbridge, il nous offre des scènes difficiles: la vente aux enchères d'une femme, le repentir qui ne donne absolument rien, comme si chaque être humain était une marionnette dans l'insondable et impitoyable destin.

Un roman entre rédemption et vengeance, qui, comme la vie, se termine inéluctablement dans la mort.

Quelques extraits:

"La boisson m'a fait commettre une action dont je garderai la honte jusqu'à ma mort. J'en ai conservé une telle impression que du coup j'ai juré de ne rien boire de plus fort que du thé, pendant autant d'années que j'en avais à l'époque." p.72

"Toute ma vie, j'ai essayé de lire pour m'instruire, mais plus je m'efforce de connaître, et plus je m'aperçois de mon ignorance." p.416

"Dieu m'en garde! Comment se fait-il que je reste soumis à ces tentations du diable, quand je fais de tels efforts pour les chasser?" p.429

"Le bonheur n'est qu'un épisode accidentel dans un drame fait tout entier de douleur." p.466

Commentaires (6)

1. Milly (site web) 2012-11-24

Je note ce livre.. La campagne anglaise et tout ces personnages colorés.

2. allie_ (site web) 2012-11-24

@Milly: je ne sais pas si Hardy te plairait. Ce n'est pas très lumineux. Mais moi, je l'adore. J'aime son monde sombre, son idée que l'homme n'est pas totalement maître de son destin et qu'il peut faire de bonnes choses et n'en être pas "récompensé". Même quand il fait de gros efforts pour s'amender.

3. Aline (site web) 2012-12-01

Ton joli billet me donne envie de le sortir de l'étagère sur laquelle il traîne depuis près de cinq ans... (je sais, j'ai honte). Il nous avait été conseillé par un prof d'anglais, mais son collègue nous avait avertis qu'Hardy était très difficile à lire... Du coup, je l'ai un peu oublié.

4. allie_ (site web) 2012-12-01

@Aline: Tu l'as en anglais ou en français? J'ai lu plusieurs nouvelles de Thomas Hardy avant de découvrir ce roman et je ne le trouve pas si difficile à lire. En tout cas pas en traduction. Par contre, c'est sombre. Mais j'aime vraiment cet auteur, que je découvre de plus en plus. Je te souhaite aussi une bonne découverte! :)

5. Aline (site web) 2012-12-02

Je l'ai en anglais. Mes livres de cette époque là sont tous en VO, soit espagnol, soit anglais (obligation scolaire ).
Vu ton avis très positif, je vais tenter de le programmer pour le congé de Noël ! Ce sera peut-être un coup de coeur, qui sait ?

6. allie_ (site web) 2012-12-05

@Aline: j'espère que tu l'aimeras! J'ai un autre Thomas Hardy dans ma pile. Et je compte redécouvrir ses nouvelles prochainement!

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